Alors que le Maroc enregistre des records historiques en matière de tourisme international, avec 17,4 millions de visiteurs accueillis en 2024, une autre réalité, plus paradoxale, s’impose : de plus en plus de Marocains choisissent de partir en vacances à l’étranger plutôt que de découvrir leur propre pays.

Des prix devenus inaccessibles pour la classe moyenne

Les vacances au Maroc sont-elles devenues un luxe réservé aux touristes étrangers ? La question mérite d’être posée.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les prix des hébergements et des services touristiques ont connu une hausse fulgurante, en particulier durant la haute saison. Selon la ministre du Tourisme, Fatima-Zahra Ammor, cette envolée des prix est bien réelle et largement reconnue par les pouvoirs publics.

Dans les villes du nord du pays, les plaintes se multiplient :

Un beignet (sfanj) vendu à 15 dirhams ;
Un petit déjeuner facturé à plus de 75 dirhams ;
Un tajine proposé à plus de 200 dirhams ;
Et dans certains cafés huppés, une simple commande de café et bouteille d’eau atteint 90 dirhams.

Ces prix, largement dénoncés sur les réseaux sociaux, témoignent d’un déséquilibre croissant entre l’offre touristique et le pouvoir d’achat des citoyens marocains.

Les professionnels du secteur invoquent la hausse des coûts

Interrogés sur ces augmentations, les professionnels du secteur pointent du doigt la flambée des prix des matières premières :

La viande rouge est passée de 60 à 140 dirhams le kilo ;
La viande blanche de 11 à 28 dirhams ;
Le beurre a presque quadruplé, passant de 35 à 120 dirhams le kilo.

Ces hausses, bien réelles, ne justifient toutefois pas toujours l’ampleur des augmentations constatées dans les établissements touristiques, dénoncent plusieurs associations de consommateurs.

Un tourisme intérieur négligé et mal adapté

Au-delà des prix, le tourisme intérieur souffre d’un manque criant de stratégies adaptées aux besoins des Marocains.

Les établissements hôteliers privilégient une clientèle étrangère, jugée plus rentable. Les offres destinées aux familles marocaines sont rares, et les initiatives publiques pour favoriser les voyages internes restent limitées.

Face à ces obstacles, de plus en plus de Marocains font le choix de destinations étrangères comme la Turquie, la Tunisie ou l’Espagne, où les séjours sont souvent plus abordables, mieux organisés et plus respectueux du pouvoir d’achat.

Airbnb, une alternative qui séduit de plus en plus

Cette situation profite à des solutions alternatives comme Airbnb, qui s’impose désormais comme un acteur majeur du marché. Les Marocains, tout comme les MRE et certains touristes étrangers, privilégient ces locations pour :

- Des tarifs plus compétitifs que l’hôtellerie traditionnelle ;
- Une plus grande liberté d’organisation, particulièrement pour les familles ;
- La possibilité de vivre des expériences plus authentiques, en dehors des circuits touristiques classiques.
- Riads, maisons de campagne, appartements en centre-ville : l’offre est vaste et souvent plus en adéquation avec les attentes d’une clientèle en quête d’authenticité et de maîtrise de son budget.

Des exemples inspirants à l'international

Plusieurs pays ont mis en place des politiques efficaces pour stimuler le tourisme intérieur :

- France : Le programme « Départ 18:25 » de l'Agence Nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV) finance jusqu'à 90 % du coût des vacances pour les jeunes de 18 à 25 ans, avec un plafond de 300 €, afin de rendre les voyages accessibles à cette tranche d'âge.
- Espagne : Le gouvernement espagnol a lancé des initiatives pour promouvoir le tourisme intérieur, notamment en mettant l'accent sur la diversification de l'offre touristique et en encourageant les voyages vers des destinations moins fréquentées.
- Italie : Des incitations fiscales régionales ont été mises en place pour attirer les touristes vers des zones moins développées, offrant des réductions d'impôt sur le revenu substantielles pour encourager la relocalisation et le tourisme dans ces régions.

Quelles pistes pour redonner de l’attractivité au tourisme local ?

Plusieurs leviers sont envisageables pour relancer le tourisme intérieur au Maroc :

- Développer des offres adaptées : Créer des forfaits spécifiques pour les familles marocaines, avec des tarifs préférentiels et des services adaptés.
- Encourager le tourisme rural : Investir dans le développement de villages touristiques et d'infrastructures dans des régions moins fréquentées pour diversifier l'offre et désengorger les zones touristiques classiques.
- Mettre en place des incitations fiscales et des subventions : Offrir des avantages fiscaux ou des subventions pour favoriser les voyages internes, à l'instar des initiatives françaises et italiennes.
- Encadrer les prix des services touristiques en haute saison : Établir des mécanismes de régulation pour éviter les hausses excessives des prix durant les périodes de forte affluence.
- Soutenir les acteurs alternatifs : Encourager le développement de maisons d’hôtes, de plateformes locales et d'autres formes d'hébergement alternatif pour diversifier l'offre et répondre aux attentes des voyageurs marocains.

En conclusion

Le Maroc est un joyau. Mais il ne devrait pas briller uniquement pour les touristes étrangers. Le véritable défi réside dans la capacité à rendre le tourisme accessible à tous les Marocains, en s'inspirant des meilleures pratiques internationales et en adaptant les politiques aux spécificités locales.

Des initiatives comme la plateforme Sortir Au Maroc jouent un rôle essentiel en mettant en lumière les activités culturelles, gastronomiques et de loisirs accessibles aux locaux. En valorisant les événements et les lieux adaptés au public marocain, elles contribuent à redynamiser le tourisme intérieur et à rapprocher les citoyens de leur patrimoine.

En combinant des politiques publiques inclusives et le soutien à de telles initiatives, le Maroc peut espérer voir ses citoyens redécouvrir les richesses de leur propre pays.