
Depuis plusieurs semaines, la tension montait entre les chauffeurs de taxi et les conducteurs de VTC au Maroc. Des affrontements, des débats publics et une question simple : ces plateformes de transport — telles qu’InDrive, Heetch ou Yassir — ont-elles le droit d’exercer ? La réponse est désormais claire : non. Le ministère des Transports et de la Logistique a tranché.
Dans un communiqué officiel, le département dirigé par Abdessamad Kayouh (Parti de l’Istiqlal) a rappelé que le transport via des applications intelligentes utilisant des véhicules personnels ne bénéficie d’aucune base légale dans le droit marocain. Le ministère souligne que les textes actuellement en vigueur — notamment le Dahir royal n° 1.63.260 sur le transport routier et la loi n° 52.05 relative au Code de la route — ne prévoient aucune disposition spécifique encadrant ce type d’activité.
Une décision sans ambiguïté
Selon le ministère, le transport collectif de personnes est soumis à une autorisation préalable, accordée uniquement aux personnes physiques ou morales exerçant une activité légalement organisée. En d’autres termes, seuls les détenteurs de licences officielles, tels que les taxis ou certaines sociétés de transport touristique, peuvent proposer un service de déplacement rémunéré.
Toute autre activité s’effectuant via des véhicules privés est donc considérée comme une infraction passible de sanctions : amendes, saisie du véhicule, voire peines d’emprisonnement.
Le rappel à l’ordre du ministère de l’Intérieur
Cette position rejoint celle du ministère de l’Intérieur, qui avait déjà averti, en juillet dernier, que le transport de personnes sans autorisation légale constitue une activité illégale. Le ministre Abdelouafi Laftit avait alors précisé devant le Parlement que les contrevenants s’exposaient à des « sanctions sévères », tout en insistant sur la responsabilité des autorités locales à faire respecter la loi.
Des campagnes de contrôle sont d’ailleurs menées dans plusieurs grandes villes, en coordination avec les services de sécurité régionaux, afin d’identifier les conducteurs utilisant leurs véhicules personnels à des fins commerciales.
Une guerre ouverte entre deux mondes
Le bras de fer entre taxis et VTC illustre le choc entre un modèle réglementé et une nouvelle économie numérique.
Les chauffeurs de taxi, qui opèrent sous licence, dénoncent une concurrence déloyale : ils doivent respecter des obligations strictes (agrément, assurance, taximètre, tarification réglementée), tandis que les conducteurs de VTC échappent à ce cadre.
De leur côté, les utilisateurs défendent les plateformes pour leur transparence tarifaire, leur confort et leur praticité, notamment dans les grandes villes comme Casablanca, Marrakech ou Rabat.
Mais le Maroc ne dispose pas encore de loi spécifique encadrant les VTC, contrairement à d’autres pays. En France, par exemple, les chauffeurs doivent suivre une formation, obtenir une carte professionnelle et se conformer à des règles précises de sécurité et d’assurance. Ici, rien de tout cela n’existe encore.
Un vide juridique à combler
Cette décision du ministère, bien qu’attendue, met en lumière un retard réglementaire face à l’évolution technologique. Le pays a vu émerger ces dernières années de nombreuses applications de transport, souvent perçues comme des solutions modernes et économiques, mais sans cadre légal.
Résultat : un flou complet, où les conducteurs risquent des sanctions, les clients restent exposés, et les autorités peinent à canaliser une demande croissante pour des moyens de transport alternatifs.
Vers une réforme du transport numérique ?
Selon plusieurs sources proches du dossier, une réforme du transport numérique serait à l’étude. Le ministère de l’Intérieur plancherait sur un projet de texte visant à intégrer les applications de mobilité dans le cadre légal existant, tout en garantissant la protection des usagers et la sécurité routière.
L’objectif : moderniser le secteur, attirer de nouveaux acteurs, et encadrer un service devenu incontournable dans la vie urbaine.
Mais aucune date ni modalité précise n’a encore été annoncée.
Avec la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030 à l’horizon, les enjeux sont énormes : offrir une mobilité fluide, fiable et conforme aux standards internationaux. Les prochains mois seront donc décisifs pour savoir si le Maroc choisira la voie de l’innovation… ou celle de la prudence réglementaire.
En conclusion
La position du gouvernement est claire : pour l’instant, les VTC ne sont pas autorisés au Maroc.
Une clarification nécessaire, mais qui ouvre un débat plus large : comment concilier modernité, cadre légal et équité entre les différents acteurs du transport ?
Les usagers, eux, trancheront avec leurs habitudes. Et vous, êtes-vous plutôt taxi ou VTC ?
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